France3 a eu l’heureuse idée (enfin, à mon goût) de reprogrammer cet été plusieurs épisodes de la série du célèbre commissaire Montalbano, dont beaucoup de téléspectateurs ignorent sans doute que chaque épisode est la mise en images d’un roman d’Andrea Camilleri. Il n’y en aura probablement plus d’autres, sauf crime de lèse-majesté, puisque Camilleri est décédé en 2019, au terme d’une longue vie de metteur en scène, cinéaste, poète, écrivain... et citoyen engagé [1].
J’avais découvert sa série romanesque assez tardivement, avec un ouvrage de 1998 : Un mese con Montalbano, chez Mondadori (aïe, j’avais donc apporté mon écot à Berlusconi, son propriétaire ?)... 1998, soit vingt ans après les débuts de la notoriété, et dieu sait qu’elle est énorme en Italie, de ce commissaire dont le nom provient tout droit de l’admiration que Camilleri professait pour le créateur barcelonais de Pepe Carvalho, Montalbán.
À propos, amis lecteurs non italianophones, ne prononcez jamais, sous peine d’excommunication, « Ca-mi-lié-ri ». La prononciation transalpine étant évidemment : « Ca-mil-lé-ri ». je passe sur l’accent tonique…
Lecture délectable, mais lecture cursive, tant la prose de Camilleri est pétrie de sicilien, dont j’ignore tout. Ce qui m’a fait réfléchir aux affres des traducteurs : dans mes lectures françaises, je me suis retrouvé surtout dans les traductions de Quadruppani, peut-être, sans doute même à cause de nos communes origines provençales. Mais lire dans le texte est autre chose. Il n’empêche, on est emporté par le contexte et on suit…
Ces enquêtes se situent pour la plupart à Vigàta, la ville imaginaire mais bien réelle où officie le commissaire Montalbano : en fait la ville natale de Camilleri, Porto Empedocle (province d’Agrigente, en Sicile), une localité d’une quinzaine de milliers d’habitants qui veut désormais officiellement s’appeler Porto Empedocle Vigàta…
Bon, d’accord, je sais que ce n’est pas politiquement correct à la gauche d’une certaine gauche de se retrouver dans le personnage d’un flic [2], fut-il sicilien, et créé par un citoyen engagé à gauche... Mais passons, Montalbano, fils du peuple, fut à ses débuts, dans les années de plomb, un de ces carabiniers répressifs (dans lesquels le paradoxal Pasolini se retrouvait). Et il est devenu un flic humaniste qui, faute de pouvoir changer le système, s’emploie à cautériser des plaies...).
Un site que je vous recommande :
Camilleri Vigata
Ce site est entièrement consacré à Camilleri et à son héros. j’en extrais cette présentation de Salvo Montalbano [3] que je traduis littéralement (ceci veut dire que l’on peut mieux faire :
"L’échantillonnage des crimes, prémédités ou sans préméditation, organisés, annoncés dans la menace ou simplement simulés, est des plus varié. Et parfois Montalbano arrive à temps, parfois il arrive trop tard. Parfois la justice des hommes s’abat, rationnelle et opportune, parfois sont plus rapides la vengeance et le remords. Parfois comme dans la vie, il n’y a pas de logique ou de raison qui suffise à expliquer le mystère des crimes, et, de façon plus générale, des actions humaines. Chaque cas résolu provoque satisfaction ou amertume, parce qu’existent aussi des cas dans lequels il aurait été mieux de laisser les choses en l’état, sans dénouer l’intrigue. La liste est vaste. Ce sont des crimes d’amour, d’intérêt, mafieux, ou d’ambition, d’exaltation, d’explosive fureur ou d’épuisante quotidienneté. Les commettent des vieux et des jeunes, des hommes et des femmes, beaux et laids, lascifs e moralistes, ignorants et cultivés. Parce que dans le crime il y a une équanimité absolue. L’unique dénominateur commun dans une humanité si variée est peut-être seulement l’attitude humaine d’un Salvo Montalbano qui à la férocité de la vie oppose, dans sa si particulière langue pétrie de dialecte, et avec sa morale fataliste mais non résignée, les bien usées mais pourtant toujours acérées armes de l’homme : l’intelligence, l’ironie, la pitié".
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