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La Provence revisitée

vendredi 23 décembre 2005, par René MERLE

Quand la maison brûle, fou qui refuse un seau d’eau. Encore plus fou qui attise le feu. C’est pourtant ce qui se passe en matière de “langue provençale”...

Identité provençale ? [1]
17 mars 2005
Quand la maison brûle, fou qui refuse un seau d’eau. Encore plus fou qui attise le feu. C’est pourtant ce qui se passe en matière de “langue provençale”.
Un élu des Bouches-du-Rhône me parle d’un flot de lettres, pratiquement identiques, intimant aux publications départementales de refuser la graphie dite occitane, en proclamant haut et fort : “Les Provençaux ne veulent pas être occitans”.
Ainsi, foin de la régression sociale et du nécessaire choix citoyen sur l’avenir de l’Europe ! Un sujet plus brûlant tourmenterait les Provençaux : le viol de leur identité par l’identité occitane.
Passons sur la facilité avec laquelle ces correspondants parlent au nom de tous les Provençaux. “Les Provençaux ne veulent pas être occitans” ? Mais quels Provençaux ? Depuis belle lurette, les parents provençalophones ne transmettent plus le provençal à leurs enfants. Ce parler n’est plus véhiculaire. Il est seulement maintenu, vaillamment, par des associations, et par une modeste présence dans les médias et à l’école. Qui plus est, la majorité des habitants de la région ne sont pas nés en Provence, et n’ont avec le provençal qu’un rapport des plus distendus, pour ne pas dire inexistant. C’est dire que le problème de la plupart des habitants de la Provence n’est pas de savoir si le provençal est ou n’est pas un rameau de l’occitan, mais bien de savoir si le provençal existe, et s’il a un avenir.
Cet avenir est bien sûr lié aux questions graphiques. N’étant plus depuis des siècles langue d’un pouvoir, le provençal n’a pas de graphie “officielle”. Depuis plus d’un siècle, ses mainteneurs le notent et l’enseignent selon des normes associatives, mistralienne ou occitane. Les " écrivants " “spontanés” le notent encore selon des normes “patoisantes” à la française.
Le bon sens voudrait que les locuteurs présents ou potentiels soient informés des différentes pratiques, et décident de leur choix. Et la démocratie voudrait qu’aucune association n’ait vocation à imposer sa seule norme par choix administratif. Les académies d’Aix - Marseille et de Nice ont connu cet arbitraire avant 1981 : l’imposition exclusive de normes dites mistraliennes n’a alors en rien contribué au salut d’une langue en perdition. Cf. - René Merle - "Mistralisme et enseignement du provençal" - Documents 1976-1977

Tout au contraire, la dynamique de tolérance graphique qui a suivi a été très positive.
Il serait fort préjudiciable à cette dynamique que d’aucuns, autoproclamés seuls légitimes défenseurs de “la langue provençale”, entretiennent un faux débat en le nourrissant d’arguments linguistiques et historiques pour le moins étonnants. Nous y reviendrons.
René Merle

"La Provence revisitée" - 24 Mars 2005.
Dorénavant, en France, les Régions sont un lieu de gestion, de pouvoir, de responsabilités. La région PACA comme les autres.
PACA ! Quel triste nom pour dire Provence, Alpes, Côte d’Azur... Assemblage que le drapeau officiel de la Région veut signifier en cousant ensemble le drapeau provençal, le drapeau dauphinois, et celui du Comté de Nice.
Il reste que cette “PACA”, vaille que vaille, a réinvesti un espace façonné par les hommes, celui d’une communauté humaine bâtie séculairement sur les solidarités économiques et démographiques du pays bas et du pays haut. Solidarités dont les fameuses transhumances sont emblématiques, tout autant que la lente et massive descente des populations “gavotes” vers le Sud.
L’avènement du capitalisme national, puis international, a grandement modifié ces solidarités, jusqu’à les annuler, cependant que d’autres solidarités prennent la place, dans un espace national, européen, méditerranéen ouvert.
C’est dire que l’Histoire, aussi prégnante soit-elle, n’est qu’une des clés du présent et de l’avenir, et qu’elle ne saurait fonder le culte d’une Provence éternelle et immuable, dont les générations successives ne seraient que les servants. C’est pourtant ce que font quelques provençalistes vibrionnants. Nous y reviendrons.
René Merle.

La Provence revisitée, 31 Mars 2005.
Afin de raviver le patriotisme provençal des décideurs, un thème récurrent est tambouriné par nos revisiteurs d’histoire : à la différence des autres régions de langue d’Oc, le Comté de Provence peut se targuer d’un long et fier passé d’indépendance, non seulement jusqu’au rattachement à la France, en 1481, mais encore jusqu’à la Révolution de 1789...
Il existe d’excellents ouvrages sur l’histoire de la Provence. Mais même les pires rappelleraient à ces historiens d’occasion que le Comté, tout autonome qu’il ait pu être, n’a jamais été indépendant : Bosons (Xe et XIe siècles) sous la tutelle du Saint Empire romain germanique, comtes catalans (XIIe siècle et première moitié du XIIIe), maison d’Anjou, (dont les domaines allaient de la Loire ou de la Lorraine à la Sicile), jusqu’au rattachement à la France en 1481.
Ces ouvrages leur rappelleraient aussi que les limites nord du Comté ont été des plus extensibles : pour aller vite, jusqu’à l’Isère sous les Bosons, mais seulement jusqu’à la Durance sous certains Catalans... Quant à “l’indépendance” des XVIe, XVIIe et XVIIe siècles, dont le Parlement de Provence serait l’emblème, il suffit de rappeler que c’est le pouvoir royal français qui avait mis en place ce Parlement, pour mieux contrôler et juguler les résistances.
Mais, me direz-vous, à quoi bon s’inquiéter de ces errements provençalistes, tant les cendres de cette histoire lointaine sont froides et touchent peu la masse de la population ? Ne vaut-il pas mieux sourire, et verser au dossier de l’amour excessif ces affirmations nationalitaires ? Peut-être.
Mais on peut aussi s’interroger, à partir de la récente et douloureuse expérience balkanique, sur la responsabilité des revisiteurs d’histoire, créateurs de nationalismes artificiels. En l’occurrence, le rappel de la vérité historique, non seulement ne saurait nuire au légitime attachement des Provençaux à leur région, mais les met mieux à même de le situer dans un devenir.
René Merle

La Provence revisitée, 7 avril 2005.
Dans ces reconstitutions d’histoire au profit de la Provence éternelle, le grand absent est le peuple, celui qui cultive, produit, bâtit, commerce, ce peuple dont

l’horizon quotidien est celui de la collectivité communale. C’est sur son dos que se règlent les abominables conflits qui ravagent la région des siècles durant. À partir du milieu du XIe siècle, les Comtes de Provence (au Sud) convoitent les terres de nouveaux comtés au Nord : Venasque (Avignon), et Forcalquier, sur une partie desquels le Comte de Toulouse va dominer, et donc guerroyer avec les Provençaux. Cependant qu’au sein même du Comté de Provence les grands féodaux, comme ceux des Baux, et plus tard de Castellane, contestent le pouvoir des Comtes.
Guerres incessantes, pillages, famines et pestes endeuillent le soi-disant “âge d’or” de la Provence “indépendante”. S’il fallait dégager de ce chaos une leçon civique profitable à nos enfants, ce serait de leur faire apparaître la ténacité, le courage avec lesquels les habitants des localités, même les plus modestes, ont lutté pour acquérir et maintenir des franchises communales. Non sans opportunisme évidemment : avec le pouvoir central des Comtes contre les féodaux locaux, mais aussi contre le pouvoir central quand il devenait trop lourd. Ainsi naissent les Communes provençales, ainsi apparaît un extraordinaire sentiment communal, qui se manifeste pleinement dans les grands épisodes de notre histoire nationale. Sentiment qui peut aller jusqu’à l’autonomie de ce que l’on appelait “les terres adjacentes”, et même jusqu’à l’indépendance. Ainsi de la République de Marseille, proclamée en 1214 et longtemps maintenue y compris les armes à la main.
René Merle

La Provence revisitée, 14 avril 2005.
Un mot encore, à propos d’emblèmes, sur ce Comté de Provence d’avant et d’après le rattachement à la France (1481).
Si dorénavant le drapeau “officiel”, sang et or, flotte un peu partout, chacun a pu remarquer devant certains bâtiments officiels, un autre drapeau provençal, bleu frappé de la fleur de lys rouge. Le premier est celui des Comtes catalans, le second celui de la maison française d’Anjou.
La plupart des Félibres du XIXe siècle ont opté pour le premier, qui leur apparaissait marquer la distance avec la francitude, et le rapprochement avec les Catalans de la “Coupo santo”. D’autres ont préféré celui à la fleur de lys, en souvenir du “bon roi René” mais aussi en connivence avec un conservatisme, voire un royalisme français bien proclamé en ces débuts de la Troisième République. Arborer le lys n’était pas innocent au temps de l’affaire Dreyfus, du maurrassisme et de l’Action française. Il peut encore ne pas l’être dans ce que des historiens ont appelé “la Vendée provençale”.
Quant à la croix dite de Toulouse, ou croix occitane, dont la seule vue fait entrer en exorcisme certains provençalistes, on ne s’étonnera pas de la rencontrer sur des monuments des actuels départements de Vaucluse ou des Alpes de Haute- Provence, terres qui furent celles des Comtes de Toulouse (Venasque) et de Forcalquier. Elle est, tout autant que les deux emblèmes précédents, parfaitement représentative d’un pouvoir extérieur, et tout aussi autochtone.
D’autant qu’elle reprenait l’antique emblème des Bosons, premiers comtes de Provence...
René Merle

La Provence revisitée, 21 avril 2005.
Il n’est pas indifférent, au regard de l’avenir européen, de considérer ce qu’il est advenu du comté de Provence, héritage angevin légué à la France en 1481. La Provence devait être unie à la France “comme un principal à un principal”, c’est-à- dire conserver l’essentiel de son autonomie. On sait comment le pouvoir royal n’aura de cesse de l’en dépouiller. En ira-t-il de même pour la France dans l’Europe de demain ?
Sur le long terme des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, les Provençaux ont à la fois regretté la perte de cette autonomie, et s’en sont félicités. Regret quand le pouvoir royal étouffait les libertés communales chèrement acquises, satisfaction quand ce pouvoir faisait obstacle au pouvoir des privilégiés, ou quand il pacifiait le pays, comme après l’abominable épisode des guerres de religion.
Mais c’est une vraie falsification d’histoire que de poser ces trois siècles en face à face d’une Provence unanime et d’un pouvoir central dominateur, en occultant les intenses tensions et affrontements de classe entre le petit peuple, les bourgeoisies et les privilégiés de Provence.
On ne sait pas assez d’ailleurs qu’en Provence la Révolution a commencé en mars - avril 1789, avec la mise à bas par le peuple du pouvoir des privilégiés, dont le Parlement était le symbole. La révolution en Provence a précédé de plus de trois mois la prise de la Bastille.
Curieusement, nos hyperprovençalistes font de ce Parlement, détesté par le peuple, le défenseur des libertés provençales abattues par les méchants Jacobins parisiens. De même, ignorant la réalité complexe des années 1792-1794, ils lisent en insurrection patriotique provençale le mouvement fédéraliste girondin de 1793. Lecture parfois poussée à un délire : ainsi, au moment du Bicentenaire, ai-je pu lire, après un salut aux Droits de l’Homme et la condamnation du jacobinisme, cette phrase stupéfiante, sous le titre : “1789 e la Revolucioun : de qu’es per nautre ?” : “C’est l’héroïque défense de Toulon contre les armées jacobines, pour le maintien de la constitution provençale” (Bulletin de l’Union Provençale, Set jour per Prouvenço 1989). Toulon, dont la bourgeoisie s’était ralliée au drapeau blanc et livrée aux Anglais, devient le symbole de la Provence contre la France républicaine ! On croit rêver.
René Merle

La Provence revisitée, 28 Avril 2005.
Il est parfaitement vrai que la Révolution, désireuse de briser les anciennes provinces, les a scindées en départements. Le Comté de Provence s’est ainsi trouvé partagé entre Bouches-du-Rhône (augmentées des “terres adjacentes” d’Arles et de Marseille), Var, Basses-Alpes. Le Vaucluse, département hybride, sera formé notamment des états du Pape, de la principauté d’Orange et d’un morceau de la Provence historique.
Cette départementalisation sera si rapidement intériorisée qu’en 1851, lors de la grande insurrection républicaine contre le coup d’état, c’est par colonnes municipales que les insurgés provençaux marchent sur les sous-préfectures et les préfectures. La conscience linguistique est provençale, la conscience citoyenne est communale, départementale, nationale.
Ce qui ne signifie pas l’absence de spécificités contestatrices : l’historien n’enregistre aucun mouvement populaire autonomiste en Provence, mais il constate, sur le long terme des XIXe et XXe siècles, combien les populations provençales ont anticipé et souvent poussé plus loin qu’ailleurs des mouvements nationaux (insurrection de 1851, communalisme de 1870-1871, Front populaire, autogestion de la Libération, grèves de 1947...)... Il reste que le cadre, même celui de la Ligue du Midi de 1870-1871, est un cadre national. À la différence des Catalans, qui ne pouvaient voir dans l’état espagnol rétrograde et inefficace un facteur de progrès, c’est dans et par l’état français que les Méridionaux ont inscrit leurs aspirations.
Nos hyperprovençalistes s’en désolent. Ils reprennent la vieille antienne, chère à la plupart des mouvements autonomistes actuels : l’état-nation a brisé les vieilles solidarités provinciales, c’est à elles qu’il faut revenir. À bas l’état-nation, vive l’Europe des régions... Quant on sait ce que l’ultra-libéralisme fait de ce thème, on ne peut que frémir devant son possible avènement.
René Merle

La Provence revisitée, 5 mai 2005.
Et la langue dans tout cela ? Qu’en est-il de ce provençal, grand rameau de la langue d’Oc, que nos hyperprovençalistes disent menacé par une cinquième colonne de traîtres occitanistes ?
Tout résiduel, tout menacé qu’il soit, ce provençal existe, bien sûr. Mais quel provençal ?
Il y a le “provençal de nature”, celui que le bon dialectologue, avant même d’en entendre un mot, a anticipé dans les accents du français : les dialectes du provençal ont façonné les cordes vocales, dont les oreilles fines saisissent les nuances de la Provence rhodanienne à la Provence intérieure, de la Provence maritime au pays Gavot. Et il n’est pas besoin d’oreilles fines pour saisir le passage aux accents du proche Languedoc ou de la montagne dauphinoise, aires d’autres parlers d’Oc.
Il y aussi le provençal appris, dont les mêmes oreilles saisissent les nuances selon que l’élève l’a reçu de telle ou telle association, et selon les contacts, ou l’absence de contacts, avec d’autres locuteurs, notamment “naturels”. Ce provençal est d’autant plus important qu’il est souvent celui des personnes chargées des émissions radio ou télé.
Provençal de nature et provençal appris peuvent faire bon ménage, ou se tourner le dos. Le paradoxe de certains défenseurs forcenés de la provençalité est que leur provençal, appris, corrigé, purifié, etc., devient quasi inintelligible au locuteur “naturel”. “A ben parlat, mai qu’a dich ?”.
Avec la disparition des locuteurs “naturels”, la croissance des locuteurs qui ont récupéré ou appris le provençal, l’ennui engendré par les puristes donneurs de leçons, on peut penser que le provençal vivant de demain sera vivifié de sève populaire, de chansons et de lectures, quelque peu marqué dans sa prononciation par le français, et véhiculaire pour une part de la jeunesse éduquée, ouverte au monde et aux langues .
René Merle

La Provence revisitée, 12 Mai 2005.
Ce provençal a été abandonné au peuple depuis le XVIe siècle. Il est demeuré la langue de l’oralité quotidienne, mais il est si rarement passé à l’écriture, et pour cause. Hormis la publication religieuse et parfois de divertissement, le français tenait en dignité tous les champs de la publication. Et le peuple était majoritairement analphabète.
C’est dire que des siècles durant, ceux qui se sont risqués à l’écriture du provençal n’ont pu le faire qu’en utilisant ce qu’ils avaient appris dans leur acculturation française. À part chez quelques érudits, le souvenir avait disparu de la graphie autochtone médiévale, employée notamment dans les textes administratifs et notariaux.
Dans la première moitié du XIXe siècle, avec les progrès de l’instruction publique, les débuts d’une conscience renaissantiste provençale, donc d’une écriture et d’une publication en provençal pour un large public alphabétisé, la redécouverte des archives médiévales, le problème de la graphie du provençal se pose d’une façon nouvelle.
Deux grands courants vont s’affronter.
D’un côté des créateurs comme Gelu, partisans d’une “graphie sauvage” du provençal, notant phonétiquement à la française cette délectable langue de l’oralité, et refusant toute notation étymologique ou grammaticale non prononcée. De l’autre, des érudits, des écrivains qui élaborent une graphie de compromis entre la graphie du français (qui n’a rien de phonétique), les normes classiques qu’ils redécouvrent dans les archives, et l’introduction de marqueurs étymologies ou grammaticaux qui, s’ils ne sont plus prononcés en Basse Provence, demeurent vivants dans la montagne gavote (s des pluriels,r des infinitifs, t des participes, etc). Cette graphie, dont s’inspireront plus tard les tenants de la graphie classique, dite occitane, est parfaitement autochtone. Il suffit de citer, parmi ses propagateurs, Achard de Marseille, Raynouard de Brignoles, Diouloufet d’Aix, Honnorat d’Allos. L’Aixois Gault la fait adopter au Congrès des poètes provençaux d’Aix en 1853. Elle est alors celle du jeune Mistral.
Entre les deux, des publicistes, des journalistes comme Desanat, de Tarascon, optent pour une graphie “phonétique” à la française, avec maintien de signes grammaticaux existant en français, pour ne pas déconcerter.
Mais il va sans dire que, faute d’intervention officielle, chacun en définitive écrit comme il veut.
René Merle

La Provence revisitée, 19 Mai 2005.
En dépouillant la presse de Provence, et notamment la presse varoise, j’ai pu constater que jusqu’à la guerre de 1914, ce sont ces différentes graphies qui sont utilisées dans des journaux français, publiant des textes en provençal (nul besoin de traduction pour un public encore bilingue).
Cependant, à partir de sa naissance en 1854, le Félibrige provençal va choisir et propager la graphie dite mistralienne, qui veut noter “phonétiquement” le provençal, en mariant normes françaises et normes autochtones (pour les diphtongues par exemple), et en écartant résolument les marqueurs étymologiques ou grammaticaux non prononcés dans le parler élu, celui des bords du Rhône, celui de Roumanille et de Mistral.
Cette graphie va mettre du temps pour s’imposer.
Ce n’est qu’après 1914 qu’elle est majoritairement employée dans la presse et dans l’édition. C’est que s’affirme alors une situation nouvelle : le provençal, toujours très vivant chez les adultes, commence à ne plus être transmis aux enfants. Son maintien dépend de plus en plus de la vie associative, c’est-à-dire essentiellement du Félibrige, et donc de son choix graphique. Ainsi plusieurs générations de Provençaux vont s’habituer à considérer la graphie mistralienne comme la graphie du provençal, même si, hors de la zone rhodanienne, elle ne correspond pas toujours à leur façon de le parler.
Après la seconde guerre, et tout particulièrement après la secousse de 1968, avec le développement des associations et des créations occitanistes, la graphie classique dite occitane se répand largement dans une jeunesse politisée qui veut revenir à la langue du pays. Cette graphie, élaborée à la fin du XIXe, se veut retour aux normes classiques et s’inspire de la renaissance catalane. Sa visée est de faciliter l’intercompréhension écrite entre les différents dialectes d’Oc, tout en respectant les spécificités de chacun. L’objectif est magnifiquement atteint dès qu’on a appris cette graphie, mais encor faut-il en recevoir l’enseignement.
C’est dire qu’en Provence, désormais, existent deux traditions d’écriture, tout aussi répandues, tout aussi respectables l’une que l’autre, portées par des associations différentes. Des sectarismes réciproques, et récemment encore la violente attaque des hyperprovençalistes, ont brouillé ce constat. On ne peut que se féliciter de la coexistence positive assurée désormais en Provence par le Félibrige et l’Institut d’Études Occitanes.
René Merle

Notes

[1Série d’articles parue dans la page "Mesclum" (mars-mai 2005 du quotidien La Marseillaise

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