La Seyne sur Mer

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"Rouge Midi"... et les Rouges du Midi

vendredi 15 mai 2020, par René MERLE

"Rouge Midi" et « Lei Rouge dou Miejour ».
Le 10 juillet 1936, l’organe communiste du Sud-Est consacrait une page spéciale au 14 Juillet. Nous sommes en plein dans la période Front populaire de réconciliation du drapeau rouge et du drapeau tricolore, de La Marseillaise et de l’Internationale (voir l’encadré en haut à droite de la page du journal).


On peut noter, au bas de la page, sous le texte de La Marseillaise, l’encadré suivant :
« Un document provençal

Lei Rouge dou Miejour
« …Ceux qui, siégeant à la Montagne, portaient en insigne révolutionnaire, l’immortelle fleur des rocs et du soleil, la farigoulo ! »
[L’article transcrit en provençal de Marseille l’intitulé original de l’ouvrage : Félix Gras, Li Rouge dóu Miejour, Rouman istouri, Emé la traducioun franceso, Avignoun, Vo J.Roumanille, 1896]
Un de ces jacobins, bon ton, du siècle dernier, félibre républicain, mais surtout républicain de littérature ! que ses confrères en « Sainte-Estelle » bombardaient sans aucune peur, parce que parfaitement inoffensif… du titre de rouge et qui était, encore, un juge de paix comtadin et barbu, et par surcroît, le beau-frère de Roumanille ; enfin, pour tout dire, celui qui s’appelait Félix Gras raconte dans son ouvrage Lei Rouge dou Miejour, aujourd’hui assez rare, mais que l’on trouvera à la bibliothèque de la ville de Marseille, la merveilleuse équipée des lanceurs de « La Marseillaise », la montée magnifique du bataillon des Fédérés vers Paris.
Lorsqu’ils passent en Avignon, ces Fédérés, Gras fait proclamer par l’un d’eux, « dins soun lengàgi marsihès », dit l’auteur, cette curieuse adaptation que l’on va lire de la Déclaration des Droits de l’Homme.
Leis ome naisson libre e soun touteis égau.
Lou pople fa sa lèi e l’a plus ges d’esclaus.
A sclapa lei cadeno e dubert lei presoun.
La terro es touto sièuno e sièuno es la meissoun.
Lou pople es libre en tout : dins ses ate et ses creire.
Rèi, segnour, marquès, res a rèn à li vèire.
L’ome qu’ère un esclaus, l’ome qu’èro un darboun,
Es libre e noun dèu comte en res, qu’a sa resoun.
E vivo la nacien !
Et le peuple d’Avignon répondit, comme celui de tout le parcours : « Vivo la Revoulucien, Vivo lei Marsihès, Vivo lei Federa ».
Lei Rouge dou Miejour où, à tous moments, entre deux roulements de tambour et trois coups de canon, retentissent les strophes ailées de la Marseillaise ne prétendent pas à la vérité des détails historiques. Félix Gras ne s’est jamais embarrassé dans son récit d’un seul de ces noms glorieux qu’on retrouve gravés dans le marbre de la renommée et qui président aux débats publics dans la salle des délibérations de la commune de Marseille, juste au-dessus du fauteuil du Maire, où est fixée la plaque de leur souvenir.
Les Rouge dou Miejour ont été mis en légende : ce qui est très joli pour le talent de Félix Gras et ce qui serait quelque peu regrettable pour l’histoire de notre peuple si l’auteur n’avait voulu glorifier, à sa manière, les précurseurs et leur Marseillaise, enfin ces Rouge dou Miejour qui, siégeant à la Montagne, portaient en insigne révolutionnaire l’immortelle fleur des rocs et du soleil : la farigoulo !
Mièto d’EN VAU. »
La place de cet article relève évidemment d’un choix politique, même si le recours à « l’entrisme » d’une collaboratrice ( ?) bien au fait des choses provençalistes et félibréennes ne reflète pas forcément une doctrine réfléchie en la matière de l’équipe rédactionnelle communiste. Il en va d’ailleurs de même pour tous les « entrismes » de ce type dans la presse d’extrême gauche du Sud-Est, jusqu’à aujourd’hui.
On notera l’ironie un peu plus que discrète à propos de l’alibi « rouge » d’un Félix Gras à ce félibrige que le seul nom de Roumanille suffit à faire qualifier de blanc.
On notera aussi la référence à la B.M. de Marseille, qui situe cette Mièto du quartier d’En Vau (à Marseille) dans le camp des lectrices, et non pas des analphabètes.
Mais on notera surtout, au-delà des réserves devant l’engagement et le sérieux historique de Gras, la fierté marseillaise d’avoir apporté à la Nation, avec laquelle le Parti communiste se réconcilie, son hymne révolutionnaire et patriotique à la fois !

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