La Seyne sur Mer

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En Résistance au lendemain de la défaite ?

mercredi 30 décembre 2020, par René Merle

Dans le récent billet consacré à Politzer, l’allusion à son engagement précoce dans la Résistance, et au salut de Michel Onfray, a suscité quelques réactions : on me demande pourquoi, comme l’a fait Onfray (voir ses positions sur Guy Môquet), je n’ai pas spécifié que les communistes ne sont pas en résistance au lendemain de la défaite ?
Il est un peu lassant de voir évoquer de façon récurrente l’attitude des communistes, alors que l’attitude des autres courants d’opinion, très majoritairement acquis au régime de Vichy naissant, ne semble pas interroger. Est-elle seulement connue ?
Je n’ai aucun titre à répondre ici, ni en tant qu’historien spécialiste de la période, ni au nom du parti communiste, qui est assez grand pour s’expliquer tout seul, ni à titre familial (au lendemain de l’intronisation de Pétain, mon père était encore socialiste. Il deviendra communiste plus tard, justement en entrant en résistance).
Je me permets seulement de renvoyer mon questionneur à la situation de la France en ce début juillet 1940 où le maréchal Pétain va obtenir les pleins pouvoirs. L’armée allemande a balayé l’armée française en quelques semaines, l’armistice est signé, la Wehrmacht occupe la moitié du territoire métropolitain, des millions de Français sont encore déplacés par l’exode, deux millions de militaires sont prisonniers, l’activité économique est grandement paralysée. L’ex-allié britannique vient d’attaquer et neutraliser la flotte française d’Algérie. C’est dans ce contexte de chaos, d’abattement et d’incompréhension devant une catastrophe inouïe que la Chambre des députés et le Sénat sont réunis à Vichy le 10 juillet 1940 afin de discuter d’une révision de la constitution demandée par le Président du Conseil, le maréchal Pétain. Il avait annoncé la couleur... Cette révision lui donnera les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs, les partis politiques seront supprimés. La nouvelle Constitution "garantira les droits du travail, de la famille et de la patrie". Bref, la réalisation des rêves les plus fous de la droite extrême, antidémocratique, antirépublicaine...
649 parlementaires sont présents. 176 sont absents (dans l’impossibilité de joindre Vichy, ou ne tenant pas à prendre position) ; 27 sont en route vers le Maroc sur la paquebot Massilia (pour tenter de former un gouvernement en exil qui continuerait le combat).
Les 61 parlementaires communistes ont été déchus de leur mandat (le P.C a été interdit par le décret-loi Daladier du 26 septembre 1939), ils ne peuvent donc évidemment pas siéger.
Les pleins pouvoirs sont attribués à Pétain par 569 voix (286 députés de gauche, élus du Front populaire de 1936 : socialistes, radicaux, centre gauche - 283 députés de droite et centre droit) contre 80 refus et 20 abstentions (parmi ces 80 qui sauvent l’honneur, 73 sont à gauche et au centre gauche, dont quelques dirigeants historiques de la S.F.I.O et du parti radical, 7 sont à droite et au centre droit). On trouvera aisément sur Internet la liste nominative des uns et des autres
C’est donc le plus « légalement » du monde que meurt la République et que naît l’État français. Et cet État français antidémocratique ne naît pas dans un partage droite – gauche, mais, exception faite quelques individualités lucides, dans une quasi unanimité, gauche – droite confondues.
C’est dire que, pour l’heure, le souci de ces 569 parlementaires, de gauche et de droite, n’est pas d’entrer en résistance. Certains d’entre eux y viendront, mais bien plus tard. C’est dire encore que le refus courageux de leaders socialistes et radicaux n’engage pas, pour l’heure, leurs partis anéantis vers une quelconque résistance, a fortiori armée, aux Allemands. Vilipendés par la presse aux ordres, traînés en justice, ils ont seulement témoigné, et c’est déjà beaucoup, que le peuple français n’était pas unanime dans son abandon à Pétain et à la pire réaction.
Voilà la première constatation que j’aimerais partager avec mon questionneur.
On trouvera sur ce site la présentation de points de vue qui ont pu alors agir sur l’opinion, si tant est qu’une opinion existait encore dans cette France en plein chaos.

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