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Siam. Une histoire de timbres, de dépaysement facile et de confinement friqué

mercredi 25 novembre 2020, par René Merle

Depuis mon enfance, j’ai toujours eu un tropisme pour les timbres [1] et les drapeaux [2], parce qu’ils me faisaient voyager dans la multiplicité du monde. Combien de fois, enfant, ai-je consulté les pages drapeaux du dictionnaire, qui me proposaient des noms mystérieux et fascinants. Et combien de fois ai-je pris plaisir à manier des timbres qui, par leurs sigles, leurs monarques ou leurs présidents, me faisaient connaître ces pays lointains. Je n’ai jamais été philatéliste au sens de collectionneur, mais j’ai conservé ce goût pour les timbres d’antan, où chaque pays avait sa marque spécifique, qui n’avait rien à voir avec les flopées de timbres actuels interchangeables, aux illustrations de calendriers des postes...
À propos de timbres, je reprends ici un souvenir d’enfance qui est resté très présent à ma mémoire, alors que tant se sont effacés :

Un an ou deux après la Libération, je devais avoir 10 ou 11 ans, nous avions à quelques copains zoné dans ce quartier de Tamaris, en bordure de la petite rade, quartier jadis de solitude boisée qu’un exilé ayant fait fortune dans l’Empire ottoman avait voulu transformer en réplique résidentielle des rives du Bosphore. Mais la crise et la guerre étaient passées par là, et les grandes maisons de maître n’étaient plus que carcasses vides, ouvertes à tous les vents mauvais.
Je me souviens entre autres d’une vaste bâtisse abandonnée, où nous étions allés d’étage en étage, de pièces vides en pièces vides, dans la désolation des papiers peints déchirés, des étrons parsemés, des graffiti et leurs inscriptions en italien ou allemand, souvenirs de la double occupation.
Et dieu sait pourquoi, (nous ne le saurons jamais), nous avions trouvé dans un recoin une pile de vieux journaux d’avant-guerre et plusieurs petits cartons, qui contenaient tous les mêmes timbres du Siam, oblitérés [3]. Marotte d’un vieux correspondant ? Nous en fîmes moisson.
De toute ma vie, je ne crois pas avoir ressenti pareille bouffée d’exotisme que lors de la découverte de ces timbres mystérieux, à la double graphie native et européenne. Et j’avoue, après évidemment dispersion et disparition de nos maigres trésors collectionneurs d’enfance, que plus tard, oh vraiment bien plus tard, j’ai essayé, avec succès, de retrouver sur Delcampe les mêmes timbres dont j’ai appris alors qu’ils dataient de la fin XIXe et des débuts du XXe.
Mais aujourd’hui le Siam n’existe plus. Ou plutôt il s’appelle Thaïlande. Le mot a été longtemps connoté de tourisme sexuel. Mais aujourd’hui "tout le monde" y va, en solo ou en famille. Enfin, pas les èrémistes, mais encore… Il ne se passe de semaine sans que je rencontre quelqu’un qui me chante les louages de ses voyages, de ses séjours, de ses retrouvailles en Thaïlande : chez le coiffeur, à la clinique, dans les boutiques, dans la proximité conviviale du quartier. La Thaïlande du Français moyen, et même de celui des Cités, a détrôné la magie du Siam pour en faire un lieu de consommation ludique et dépaysante, à touche-touche de notre quotidien, pour peu que vous ayez économisé le modeste pécule qui vous permettra, en plein hiver, de goûter aux plages, aux fêtes, aux éléphants d’arrière-pays d’une contrée où, quels que soient les affrontements civils, nul, pour l’heure, ne s’en prend aux touristes. Et qui vous permettra aussi, même si en filigrane s’installe le fantasme d’une installation définitive dans ce Paradis touristique, de retrouver et de supporter le quotidien fatigué de notre bon vieil Hexagone… Parenthèse salutaire, hors temps et hors distance, ou Opium du peuple ?…
Et voilà que le confinement apporte un volet de plus à cette fascination thaïlandaise. Celui de l’écœurante utilisation du télétravail à distance par les hédonistes bien dans leur peau et dans le système néo libéral que nous aimons tous. Je reprends ici ce billet de la page Facebook de l’ami Louis Vaisse :

Notes

[1Cf. : Timbres.

[2Cf. : Drapeaux.

[3Que l’on épargne ici tou ce qui peut se trouver sur Wikipedia concernant l’image du timbre et l’histoire de la philatélie du Siam, et la succession des monarques

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