La Seyne sur Mer

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Langue tahitienne, l’expression de la possession

dimanche 27 décembre 2020, par René Merle

Une caractéristique des langues polynésiennes

Dans notre langue, l’expression de la possession manque vraiment de nuances, et n’est pas sans connotations idéologiques fâcheuses. Ainsi, on dit indifféremment : "ma voiture", "ma femme", "mon mari", "mon chapeau"...
Dans cet occitan populaire que je persiste à évoquer sur ce blog, et dans ce français populaire qui en était marqué, la possession était tout aussi précisément marquée, mais formellement atténuée par l’emploi de l’article à la place du possessif : "j’en ai parlé à la femme..."
Mais possession demeurait possession, éternelle et maîtresse de la relation.
Il en va bien autrement dans la langue tahitienne, et plus généralement dans toutes les langues polynésiennes, avec le double système de possession : possession en A [a :] et possession en O [o :].
Voyons, pour aller vite :
TE VAHINE A MATAI : la compagne, la femme de Matai.
TA Ù VAHINE : ma compagne, ma femme
TE PĀPĀ O MATAI : le papa de Matai.
TO Ù PĀPĀ : mon papa
On voit immédiatement que la possession en « Ā » est considérée comme aliénable, qu’elle peut changer. Avoir une compagne ou un compagnon est un choix, et nul ne peut garantir la pérennité de ce choix. Avoir un travail ne garantit pas, hélas souvent, que ce travail sera éternel... etc.
Au contraire, la possession en « Ō » indique que le possesseur n’a aucun contrôle sur la relation, considérée comme inaliénable : liesn de sang, relations unissant une partie à un tout [ma tête], "fenua" (terre d’origine), etc...

Et dire que des colonisateurs ont voulu rayer de la carte un langage aussi précis et respectueux, qui implique en quelque sorte des catégories mentales différentes.

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