Puisque les fins d’années sont propices aux bilans, voici, si j’en crois les statistiques, le texte de la rubrique "Identités" qui, fin décembre 2020, a été le plus lu depuis les débuts de ce site.
J’ai souvent signalé mon intérêt, déjà bien ancien, pour la culture d’Oc, et celui pour la renaissance nationalitaire catalane.
Je voudrais par ces quelques lignes effacer toute ambiguïté.
Suite aux imposantes manifestations nationalistes catalanes (le catalan, langue sœur de la langue d’oc), quid du mot "nationalité" : applicable ou pas à l’Occitanie (je ne parle pas de la région administrative, mais, bien au-delà, de toutes les régions qui furent de langue d’oc) ?
Vieille question, mais pour quelques happy few seulement. Le sujet ne passionne vraiment pas les habitants des régions dites occitanes...
J’ai souvent dit combien je me méfiais du mot de "nationalité" appliqué à la Provence (donne historique : Comté de Provence), et plus largement appliqué à l’Occitanie, vaste ensemble confus défini ordinairement par sa langue.
Et pourtant, à l’évidence, l’adjectif "national" est en filigrane dès que l’on traite de la question des langues dites minoritaires. Et donc, en l’occurrence, à la langue d’oc ou occitan.
On sait comment l’Europe de l’Est fut redécoupée sur des bases qui se voulaient linguistiques au lendemain de la guerre de 1914-1918... Aux yeux des vainqueurs, bien décidés à opposés un barrage d’états-tampons à la Révolution bolchevik, la langue justifiait la Nation, et la Nation exigeait l’existence de l’État... On sait aussi combien l’attachement à la langue catalane soutient en Espagne la revendication nationale catalane.
Pour autant, bien des langues régionales ou minoritaires n’ont jamais été porteuses de la moindre revendication autonomiste ou indépendantiste. Elles n’ont suscité et ne suscitent que des intérêts patrimoniaux et affectifs.
La défense et promotion de la langue d’Oc, et tout particulièrement de son dialecte provençal, s’est située entre les deux tensions, nationalitaire et patrimoniale.
Au XIXe siècle, dans la phase de reconnaissance romantique et postromantique des langues vaincues par l’histoire, le provençal a tenu sa place au même titre que sa langue sœur, le catalan. En Catalogne comme en Provence, le sentiment identitaire s’est d’abord marqué par le désir de reconnaissance littéraire : création du Félibrige en 1854 par Mistral et ses amis, publication de Mirèio en 1859 - et au même moment, résurrection des « Jeux floraux » catalans. Dans les deux cas, l’action renaissantiste en dépassait pas le petit cercle des militants culturels provençaux et catalans.
Mais la dimension politique a suivi timidement en Provence, avec, vers la fin du Second Empire le nationalisme tout verbal de Mistral, dont le poème La Coumtesso est sans doute le plus bel exemple.
Coumtesso
Ce nationalisme ne trouvera pas de support social.
Par contre, en Catalogne, lentement mais sûrement, ce support social apparaît et s’affirme, particulièrement dans une bourgeoisie qui ne trouve plus son compte économique dans la politique de l’état espagnol, et se retrouve avec fierté dans la langue jusqu’alors abandonnée au peuple. Un peuple depuis longtemps déjà résolument hostile à l’état espagnol oppresseur.
C’est l’étape ratée par les Félibres. La bourgeoisie méridionale comme le peuple méridional trouvent leur place et leur compte dans la France postrévolutionnaire du XIXe siècle.
Malgré la popularité de Mistral, les Félibres ne pourront jamais accéder au soutien populaire de masse que connaissent les Catalanistes. Et l’idée nationale occitane restera dans le registre de la quête du Graal pour quelques intellectuels méridionaux...
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