La nouvelle (?) stratégie de Jean-Luc Mélenchon est mise en cause par le groupe de PCF ou ex-PCF (notamment ceux du mouvement Ensemble) qui, en acceptant sa primauté au sein du défunt Front de Gauche, et en refusant qu’un candidat PCF gêne sa candidature unique (au double sens du mot) en 2017, avaient contribué à le faire Roi !
À ce sujet on lira avec intérêt les très intéressantes réflexions de Roger Martelli, une des plumes de la revue Regards [1]
On pourrait sourire, ou pleurer devant ces yeux décillés… tellement les positions actuelles de M. Mélenchon étaient plus que latentes dans ses positions antérieures. Le seul intitulé de son blog, « L’ère du Peuple » aurait dû suffire à leur en faire prendre la mesure.
N’étant ni politologue, ni partie prenante en tant qu’encarté dans ces débats, mais seulement citoyen et un petit peu historien, je m’étonne que c’est seulement maintenant que ces ex-supporters découvrent ce qu’ils appellent « le populisme de gauche » et commencent à prendre la mesure du bonapartisme qui y gite (puisque nous en sommes dans les « ismes »).
Je constate aussi que l’ennemi idéologique désigné par ce groupe de militants est l’essayiste Jean-Claude Michéa, qui dans ses ouvrages a pointé quelle rupture de stratégie et quelle perte d’autonomie entraînèrent pour le mouvement ouvrier socialiste, à l’orée du XXe siècle, son ralliement au bloc républicain bourgeois et petit-bourgeois.
Et d’opposer à Michéa la haute figure de Jaurès, qui sut (ou crut) faire du mouvement socialiste l’aile avancée d’un vaste courant républicain unitaire de progrès démocratique, dans lequel il fallait instiller, ou imposer, l’aspiration au progrès social, dont tous bénéficieraient, et pas seulement la classe ouvrière.
Suivez mon regard : dans ses premières années après le Congrès de Tours, le PCF s’est enfermé dans une agitation solitaire stérile ; en faisant alliance avec socialistes et radicaux en 1936, il fait grandement avancer le progrès démocratique et social. Idem pour les lendemains de la Libération, où le PCF a même su travailler, et combien efficacement, avec les Gaullistes. Dans les années de la guerre froide, le PCF isolé n’a pas eu de prise véritable sur la société française, mais sa politique ultérieure unitaire a permis à nouveau d’importants progrès démocratiques et sociaux. Etc.
Bref, nous dit-on, abandonnons à M. Michéa sa nostalgie de pureté révolutionnaire, et, en bons disciples du grand Jaurès, œuvrons pour un grand courant unitaire d’une gauche reconstituée…
Je ne partage guère ces rappels historiques quelque peu anachroniques, et les discuter nous entraînerait trop loin dans le cadre de cet article. Mais je dirai seulement que, malgré ses acquis, le Front populaire s’est achevé dans le désastre d’une assemblée donnant les pleins pouvoirs à Pétain, et les périodes unitaires Mitterrand – Jospin ont ouvert à grands battants les portes du libéralisme le plus cynique.
Mais revenons à notre propos initial. Quel rapport entre le rappel de ces stratégies d’antan et celle de M. Mélenchon, sinon celui de la solitude totalisante ou de la convergence (combinazione ?) d’appareils.
M. Mélenchon n’a jamais caché qu’il était ferme partisan de l’unité des forces progressistes de changement, mais à deux conditions : ne pas stériliser cette unité par une étiquette de « gauche », car il s’agit de rassembler « le Peuple » ; admettre que cette unité doit se faire au sein de la France insoumise, et non par des accords d’appareil. Unité par le phagcytage.
Mais M. Mélenchon n’a jamais caché non plus qu’il était disciple de François Mitterrand, qui a si bien su entrer dans le jeu unitaire pour mieux avaler les voix communistes et mettre à bas le puissant parti communiste d’alors. En ce qui concerne M. Mélenchon, le phagocytage des électeurs ou ex-électeurs communistes a été vite réalisé. Par contre, l’opération de séduction en direction des écologistes n’est pas parvenue à les grouper sous la houlette de la France Insoumise. Idem pour les maigres (provisoirement ?) troupes de M. Hamon. On voit alors s’esquisser, parallèlement à « l’Ere du Peuple » hégémonique, un très mitterrandien appel à un nouveau Front populaire. Oh non, par avec les méchants communistes qui ont boudé le soutien total au Líder maximo, mais par des retrouvailles de famille avec d’anciens camarades du Parti socialiste qui dorénavant quittent le navire. Ainsi de « la convergence » avec Emmanuel Maurel et ses amis, affirmée récemment dans un meeting commun à Pau, convergence très électoraliste qui a pour horizon les élections européennes.
Comme quoi, on peut être à la fois avec « le Peuple » multitude apolitique qui enfile les gilets jaunes, et avec de fins tacticiens politiciens qui ne veulent pas quitter le théâtre des opérations qui les fait vivre.
C’est l’incontournable évidence qui pèse sur la vraie convergence des luttes et des organisations. Sera-t-elle un stimulant ou un boulet, le proche avenir nous le dira.
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