Je ne sais évidemment pas à quoi pouvait penser notre Président devant la tombe de son illustre prédécesseur, à qui il venait rendre hommage silencieux le 8 janvier, à l’occasion du 25ème anniversaire de sa mort.
Hommage qui n’a pas eu l’heur de plaire à toute la famille mitterrandienne, de sang et d’opinion.
Mais à l’évidence, après le salut à De Gaulle à Colombey-les deux Églises, notre Président ne néglige rien qui puisse servir à sa réélection.
À ce propos je me suis également demandé ce que pouvait bien penser M. Mélenchon qui, en critiquant cette récupération jugée opportuniste, a aussi rappelé, une fois de plus, son attachement et sa fidélité à François Mitterrand.
Car je vois mal comment il peut faire cohabiter cet attachement avec ses prises de positions actuelles, sauf à imaginer qu’elles comportent une bonne part de cette souplesse florentine dont s’est servi son maître pour arriver au pouvoir, et renier ses promesses…
Le défaut de l’âge, paraît-il, est de vivre plus dans le passé que dans le présent. Je n’y fais pas exception.
Aussi je ne peux oublier la duplicité du candidat Mitterrand, se présentant comme révolutionnaire capitaliste, pour initier une fois au pouvoir les débuts de l’offensive néo-libérale.
Cf. : Quand François Mitterrand était révolutionnaire
Et encore dans la catégorie « Souvenirs » (mais chacun le sait, le souvenir n’est pas neutre), en voyant notre Président silencieux devant la tombeau, m’est revenu un souvenir qui depuis me confronte plutôt douloureusement à la vertu de l’engagement et à ses reniements au nom du « réalisme ».
Le 24 août 2004, j’ai été invité, en tant qu’historien, président de l’association « 1851, pour la mémoire des Résistances républicaines » [1], à participer à Jarnac, ville natale de Mitterrand, à la journée d’études de la Convention pour la 6ème République (C6R) [2].
L’après-midi, j’étais à la tribune de la table ronde sur le thème : "
L’actualité du Coup d’État permanent de François Mitterand (1964)", aux côtés d’Arnaud Montebourg [3] et d’Aurélie Filippetti [4].
C’est un bon souvenir. Je me souviens de l’accueil chaleureux de Jérôme Royer, Maire de Jarnac, de la tonicité des débats, et des espérances qu’ils portaient. Bon souvenir aussi, la rencontre avec Aurélie Filippetti à qui j’avais dit tout le bien que je pensais de son récent ouvrage Les Derniers Jours de la classe ouvrière [5]
Un bémol : en fin de matinée, les congressistes s’en allèrent en cortège au cimetière pour un moment de recueillement devant la tombe du président Mitterrand. Je les ai laissés entrer, mais je n’ai pas suivi. Je n’étais pas disposer à honorer celui qui avait dénoncé le régime présidentiel pour mieux en endosser le costume. Je n’ai pas vu entrer non plus Aurélie Filipetti. Sans doute se souvenait-elle des responsabilités mitterrandiennes dans l’assassinat de sa Lorraine industrielle.
Le plaisir que j’avais ressenti en participant à cette journée de la C6R (dont je n’ai jamais été adhérent), plaisir poursuivi par d’autres rencontres, s’est progressivement teinté de désillusion, quand j’avais vu Arnaud Montebourg et Aurélie Filipetti [6] soutenir activement la candidature de Ségolène Royal, puis devenir ministres de François Hollande [De 1848… à la Sixième République ? De l’Association 1851 à la C6R]
J’aurais souhaité alors que, à la différence de François Mitterrand qui pratiqua avec délices le pouvoir personnel dénoncé dans son ouvrage de 1964, le Président Hollande et son gouvernement mettent enfin en œuvre les propositions de la C6R [7] pour une 6ème République rompant avec l’oppressant système présidentiel consulaire.
J’ai évidemment été plus que déçu.
Pour autant, je ne me permettrai pas de juger, et encore moins de dénoncer. Je constate seulement que l’attraction irrésistible vers un Parti socialiste proclamé seul parti de gouvernement, n’a pas été ressentie comme une trahison. Au contraire, et les positions actuelles, "progressistes" et dégagées du Hollandisme, d’Arnaud Montebourg [8] et d’Aurélie Filippetti [9] en témoignent, pareil cheminement semble procéder de la conviction (naïve ?) qu’il était possible de changer de l’intérieur le social-libéralisme pour le remettre sur les rails de la vieille social démocratie. L’expérience a prouvé, hélas, que l’épisode Hollande n’a tristement été que le créateur et le propulseur de l’épisode Macron.
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