La Seyne sur Mer

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Baudelaire, Pan et la Révolution

lundi 28 décembre 2020, par René Merle

Je lisais sur l’excellent site de la bibliothèque de Lisieux quelques textes de Baudelaire, et notamment :
L’ École païenne (in La Semaine théâtrale, janvier 1853).
<http://www.bmlisieux.com/litteratur...>
En voici un extrait :
« Il s’est passé dans l’année qui vient de s’écouler un fait considérable. Je ne dis pas qu’il soit le plus important, mais il est l’un des plus importants, ou plutôt l’un des plus symptomatiques. Dans un banquet commémoratif de la révolution de Février, un toast a été porté au dieu Pan, oui, au dieu Pan, par un de ces jeunes gens qu’on peut qualifier d’instruits et d’intelligents.
« Mais, lui disais-je, qu’est-ce que le dieu Pan a de commun avec la révolution ?
— Comment donc ? répondait-il ; mais c’est le dieu Pan qui fait la révolution. Il est la révolution.
— D’ailleurs, n’est-il pas mort depuis longtemps ? Je croyais qu’on avait entendu planer une grande voix au-dessus de la Méditerranée, et que cette voix mystérieuse, qui roulait depuis les colonnes d’Hercule jusqu’aux rivages asiatiques, avait dit au vieux monde : LE DIEU PAN EST MORT !
— C’est un bruit qu’on fait courir. Ce sont de mauvaises langues ; mais il n’en est rien. Non, le dieu Pan n’est pas mort ! le dieu Pan vit encore, reprit-il en levant les yeux au ciel avec un attendrissement fort bizarre... Il va revenir.
 »

Mais laissons Baudelaire se gausser gentiment de ces néo-païens, pour nous interroger sur ce qui a effectivement interrogé ses contemporains, sur cette flamme née de l’inattendue révolution française de février 1848, qui embrasa toute l’Europe, ou presque, en ce printemps des Peuples vite célébré, et vite écrasé. Qui alors, malgré quelques grondements français ou italiens en 1847, aurait pu anticiper cette déferlante "panique" ?
Et comment, en l’occurrence, ne pas penser à la stupeur des commentateurs attitrés et incontournables, devant les vagues populaires qui périodiquement secouent les continents. Certes, les explications a posteriori abondent, mais elles contrastent d’autant plus avec le silence qui précéda la secousse. Les sismologues n’ont jamais caché que, s’ils connaissent les zones séismiques, ils n’ont pas (encore ?) la possibilité de prévoir les séismes. Mais nos commentateurs et historiens ne pensaient pas que telle zone fut séismique (pensons aux Printemps arabes)... Ce qui à l’évidence interroge sur la vertu prémonitoire de leur discipline.

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