Toute la presse collaborationniste, c’est à dire toute la presse autorisée du temps, publie les 27 et 28 mars 1944 la dépêche suivante à propos d’une allocution du ministre du travail et de la solidarité nationale du gouvernement pétainiste Marcel Déat [1] :
« M. Marcel Déat a prononcé ce soir à la Radiodiffusion nationale, au cours de l’émission « La voix du travail », un important discours dont voici les points essentiels :
Dans une première prise de contact avec l’opinion publique, on m’excusera de ne pas aborder tous les problèmes qui se posent au ministre du Travail et de la Solidarité nationale. Je réserve donc pour une prochaine occasion ce qui touche la solidarité nationale et ne traiterai que de ce qui ressort au travail.
Le ministre du Travail a pour tâche désormais, sans discussion possible, de construire le socialisme, un socialisme national, positif et communautaire. La solidarité nationale vise à réaliser l’esprit communautaire, et faire de la France la véritable communauté nationale.
Ces mots ne sont pas neufs. Ces vues ne sont pas inédites. Leur nouveauté apparaîtra quand on passera enfin des discours aux faits. Si la France n’est pas socialiste et communautaire, elle est perdue. Le socialisme n’est pas seulement le but et la fin de cette guerre, il est la condition de la victoire et la condition de l’unité retrouvée et maintenue, sans laquelle il n’y a plus d’avenir. Je sais que les travailleurs français et leurs employeurs ne sont pas tous convaincus, il s’en faut, de cette évidence. Quant à l’éventualité d’une résurrection de la ploutocratie capitaliste qui signifierait pour le travail asservissements, je la repousserai si elle nous était offerte, parce que je suis socialiste [2]. Mais cette échappatoire n’est plus permise aux espérances conservatrices. C’est Moscou qui commande à Alger, c’est le bolchevisme qui débarquerait demain avec les troupes gaullistes. »
Oui, quand les mots se laissent dire, et se vident de sens dans l’extrême manipulation… Nous en avons ici un exemple extrême. Puisse-t-il nous inviter à juger aujourd’hui les engagements politiques à l’aune de leur substance vraie et non à l’aune de leur enveloppe médiatique.