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Res publica. Marat 1790 dans la phase d’élaboration de la Constitution

mercredi 29 novembre 2023, par René Merle

De cette fascinante plongée dans la Révolution, où Marat n’a jamais cessé de dénoncer l’accaparement du processus révolutionnaire par une bourgeoisie qui ne voyait dans le peuple menaçant des Sans Culottes qu’une force d’appoint occasionnelle (j’y reviendrai), je ne retiendrai ici que ce propos de Marat, émis à l’aube de la monarchie constitutionnelle, dans son Appel à la Nation, par Jean-Paul Marat, l’Ami du peuple, citoyens des Cordeliers, mars 1790.
À contre-courant de l’optimisme général qui accompagne la mise en place de la nouvelle monarchie constitutionnelle, Marat écrit :
« Il ne faut rien attendre de beau des dépositaires de l’autorité, il faut les clouer à leurs devoirs ; il ne faut pas exiger qu’ils soient bons, il faut les empêcher d’être méchants. »

Voyons également :

« C’EST UN BEAU RÊVE, GARE AU RÉVEIL
(26 août 1790)

Cette brochure, publiée dans le format ordinaire de L’Ami du Peuple, fut écrite par Marat à l’occasion de la séance de l’Assemblée nationale du 25 août, dont Marat donne d’ailleurs une analyse.

« Le voilà donc enfin, ce sinistre projet que l’infernal Riquetti machinait dans les ténèbres. Le voilà, cet affreux décret qui, bientôt, fera fondre sur nous les fléaux redoutables de la guerre, unique ressource laissée à nos agents atroces pour nous remettre aux fers. Où étiez-vous, Barnave, Lameth, d’Aiguillon, Robespierre, Menou, quand on a osé le proposer ? Vous sommeilliez sans doute, puisqu’il a passé sans vos réclamations, ou bien le serpent infernal est parvenu à vous séduire par son langage trompeur. Chère patrie, n’as-tu donc plus pour te défendre que quelques cœurs honnêtes sans défense contre l’astuce des fripons soudoyés par le despote ? Citoyens trop crédules ! naguère encore vous chantiez vos victoires : enivrés d’un faux triomphe, vous criez, avec transport : « Nous sommes libres », et cent mille voix perfides répétaient à l’envi : « Vous êtes libres », pour vous plonger dans une fatale sécurité. Ils vous ont présenté la main de paix, en vous jurant fidélité ; ils ont lié les bras à vos défenseurs séduits par leurs faux airs de fraternité, et ils sont parvenus à vous enchaîner sur l’autel même de la liberté : vous dormez sur leur sein : encore quelques jours, et un affreux réveil succédera à ce repos funeste, et vous reconnaîtrez, en frémissant, que ce triomphe glorieux dont on vous berçait, n’était qu’un songe imposteur. »


Octobre
Ami du peuple, 7 octobre 1790
« Toute la canaille anti révolutionnaire s’est accordée à traiter de brigands les citoyens de la capitale, armés de piques, de lances, de haches, de bâtons ; c’est une infamie ; ils faisaient partie de l’armée parisienne. Aux yeux des hommes libres, ils n’étaient pas moins soldats de la patrie que les citoyens en uniforme ; et aux yeux du philosophe, ils étaient la fleur de l’armée. Je le répète, la classe des infortunés que la richesse insolente désigne sous le nom de « canaille », est la partie la plus saine de la société ; le seule qui, dans ce siècle de boue, aime encore la vérité, la justice, la liberté ; la seule qui, consultant toujours le simple bon sens, & s’abandonnant aux élans du cœur, ne se laisse aveugler ni par les sophismes, ni séduire par les cajoleries, ni corrompre par la vanité, la seule qui soit inviolablement attachée à la patrie, & dont maître Motier n’eut jamais fait des cohortes prétoriennes. Lecteurs irréfléchis, qui voudriez savoir pourquoi la classe des infortunés serait la moins corrompue de la société, apprenez que forcée de travailler continuellement pour vivre, & n’ayant ni les moyens ni le temps de se dépraver, elle est restée plus près que vous de la nature. »
Et Marat d’affirmer :
« De pauvres ouvriers ont plus d’âme cent fois que les gros citadins ; pensez-vous qu’ils eussent eu l’infamie de porter le deuil des assassins des patriotes de Nancy, pour le seul plaisir d’avoir un bout de crêpe au bras, comme tant de petits bourgeois, qui se pâment de joie, lorsque Mons Motier [1] leur accorde un sourire. »

Notes

[1Monsieur Motier, c’est Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, commandant de la Garde nationale.

3 Messages

  • "Etre près de la nature", toujours cette référence en positif à un nature souvent invoquée de tous côtés et qui s’explique peut-être par le fait que le pouvoir n’étant plus de droit divin, il lui fallait un autre socle. Mais quelle nature ? jean paul damaggio

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    • Oui, Jean-Paul, quelle est cette nature invoquée depuis Rousseau jusqu’à Michea pour nous expliquer que le bon peuple est spontanément porteur des qualités "naturelles" qui rendent l’existence collective possible, ce dont on peut douter. On comprend mieux l’impasse dans laquelle les révolutionnaires se sont toujours trouvés : place au peuple, mais le peuple n’étant pas suffisamment éclairé, il faut provisoirement gouverner à sa place, en attendant qu’il retrouve ses facultés "naturelles". C’est Robespierre mettant sous le boisseau le suffrage universel masculin de la constitution de 93, Blanqui refusant ce suffrage en 1848, et Lénine mettant fin à l’expérience populaire des soviets.

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