La Seyne sur Mer

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Barrès, la francitude et les déviants

lundi 28 décembre 2020, par René Merle

Néo-Barrèsiens pris à leur propre piège

Le concept d’identité nationale, si longtemps jugé ringard par beaucoup de Belles Âmes, est devenu à l’évidence un enjeu idéologique majeur.
À ce propos, des bons esprits, des fins lettrés, des pourfendeurs du "sectarisme dénonciateur" des auteurs politiquement non corrects, etc. etc., persistent à penser que Maurice Barrès [1862-1923], en dépit de ses errements antisémites, est une figure positive dans l’affirmation de notre supposée identité nationale.

Certes, la question ne doit guère turlupiner le petit nombre de Françaises et Français qui lisent encore Barrès, et, sauf à imaginer une superproduction avec Depardieu (sérieusement amaigri) dans le rôle de Barrès, il faut bien convenir que le nom de Barrès demeurera inconnu du plus grand nombre (exception faite de ceux qui habitent une rue, une avenue, un boulevard... ou une impasse Barrès).

Pour autant, il n’est pas inutile de pointer la persistance, plus ou moins occultée, de l’idéologie barrésienne dans les écrits, déclarations, prestations radiophoniques et télévisuelles, de quelques intellectuels proclamés incontournables, voire de quelque académicien.
Que nous disent donc ces augures, qui font sans mystère état de leur cheminement. Fils d’immigrés, et parfois de victimes du nazisme antisémite, fiers produits de la méritocratie scolaire républicaine, ils sont devenus les chantres de l’identité française, LEUR identité française ; tout en faisant l’éloge d’une collectivité française n’est pas ethnique mais politique et fruit de l’histoire, ils stigmatisent les barbares qui campent sur nos terres en parasites, qui mettent à bas par l’irrespect l’éducation nationale, qui pourrissent d’incivilités le "vivre ensemble", qui gangrènent par le communautarisme religieux la laïcité si chèrement acquise. Le propos, douloureux, veut rejoindre celui, murmuré ou crié au quotidien, de celles et ceux (de toutes origines) que la discrimination sociale oblige à vivre dans ce qui est trop souvent la promiscuité et la violence des ghettos de la République. À la différence que, chez nos intellectuels, le propos ne procède pas le moins du monde directement d’un vécu.

Ces « penseurs » hyper-médiatisés ne semblent pas se rendre compte de l’engrenage dans lequel ils mettent le doigt, et où leur illustre prédécesseur s’était commis. Barrès, en son temps de post-boulangisme et d’affaire Dreyfus, mettait l’affaiblissement, voire le déclin de la France, au compte de l’action des trois sortes de "déviants" : "déviants" par exclusion volontaire du groupe national, comme les intellectuels dreyfusards, « déviants » par non respect de la tradition, comme les protestants, et surtout, et avant tout, "déviants" par leur origine : naturalisés et juifs, qui, par nature ne peuvent pas appartenir au sol et à l’esprit de la collectivité française, ne peuvent pas s’enraciner dans sa terre et dans ses morts. Remarquons en passant que Barrès aurait souri de la francitude proclamée de nos traumatisés intellectuels, et, vu leurs noms, les aurait classés dans la troisième catégorie, de ceux qui ne participent pas du même sol et des mêmes morts...

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