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Nougaro, Toulouse, et autres chansons "méridionales"

jeudi 26 janvier 2023, par René Merle

Puisqu’il est question de "Méridionaux" dans l’article précédent [1], voici quelques illustrations musicales contemporaines, de sensibilités et de régions diverses...

Nougaro, Toulouse

Moussu T, Mademoiselle Marseille
Moussu T chante sa Marseille, en français et en provençal

Mauris, Niça rebella

Voici, sur des paroles de Jean-Noël Varo, alias Gian Caléna, qui les écrivit en 1975, un détournement engagé (mais respectueux) de Nissa la bella, la célèbre chanson de Menica Rondelly (François-Dominique Rondelly, 1854-1935), hymne officiel de la ville et de l’O.G.C.Nice (vous trouverez aisément sur Internet).
C’est Mauris qui chante. Quel occitaniste du Sud-Est français n’a pas connu, n’a pas fredonné, n’a pas savouré les chansons de Mauris [1942 - 2011]. Mauris, au cœur du bouillonnant occitanisme créateur niçois des années 1970-1980...
Précisons que ce Nissa rebèlla n’a strictement rien à voir, bien au contraire, avec le sigle identique et l’idéologie des Identitaires niçois.
Ò la miéu paura Niça, / As perdut la flor ;
/ A la tiéu joinessa
/ Iéu penserai totjorn.
/ Canti pus li montanhas
/ Cuberti d’estacions ;
/Li tiéu verdi campanhas
/ Son pleni de maions.
Ô ma pauvre Nice,
/ Tu as perdu la fleur ;
/ À ta jeunesse
/ Je penserai toujours.
/ Je ne chante plus les montagnes
/ Couvertes de stations ;
/ Tes vertes campagnes
/ Sont couvertes de maisons.

Refrain
Jamai pus canterai,
/ Son mòrti li tonelas, / Li es pus de cançons
/ Per lo beton.
/ E totjorn penserai
/ Au tèmps dont ères bèla,
/ Ailàs, ailàs, Niça rebèla.
Jamais plus je ne chanterai,
/ Les tonnelles sont mortes,
/ Il n’y a plus de chansons
/ Pour le béton.
/ Et toujours je penserai
/Au temps où tu étais belle,
/ Hélas, hélas, Nice rebelle.

Si sente la benzina / En plaça dau lilà ;
/ Cen que sònan marina
/ Non fa que m’embilar.
/ Niça, ti siás venduda
/ Coma una petan ;
/Ti van pilhar li combas
/ Per un morcèu de pan.
Ça sent l’essence
/ Au lieu du lilas ;
/ Ce que nous appelons « marina »
/ Me fait enrager. / 
Nice, tu t’es vendue
/ Comme une prostituée ;
/ Ils vont te prendre les vallons / 
Pour une bouchée de pain.

Perdone-mi, Menica, 
/ De cambiar la cançon
/ Dont es la tiéu amiga,
/ La tiéu bèla Nanon. / Adiéu la sofieta,
/ An cubert Palhon
/E lo país de Niça
/ Es vengut palhasson.
Pardonne-moi, Dominique [Dominique Rondelly, l’auteur de "Nissa la bella"], / De changer la chanson
/ Où est ton amie,
/ Ta belle Nanon.
/ Adieu la mansarde,
/ On a recouvert le Paillon
/ Et le pays niçois
/ Est devenu paillasson.

Nadau, le supplice de Jean Petit le Croquant du Rouergue, chanté par un Gascon

Manu Théron, Lo còr dau Lamparò : La Libertat

Tu que siás arderosa e nusa /
Tu qu’as sus leis ancas tei ponhs /
Tu qu’as una votz de cleron /
Uei sòna sòna sòna a plens parmons
/ Ò bòna musa.
Toi qui es ardente et nue
/ Toi qui as les poings sur les hanches
/ Toi qui as une voix de clairon
/ Aujourd’hui appelle appelle à plein poumons
/ Ô bonne muse.

Siás la musa dei paurei gus
/ Ta cara es negra de fumada
/ Teis uelhs senton la fusilhada
/ Siás una flor de barricada /
Siás la Venús.
Tu es la muse des pauvres gueux
/ Ta face est noire de fumée
/ Tes yeux sentent la fusillade
/ Tu es une fleur de barricade
/ Tu es la Vénus.

Dei mòrts de fam siás la mestressa,
/ D’aquelei qu’an ges de camiá /
Lei gus que van sensa soliers
/ Lei sensa pan, lei sensa liech
/An tei careças.
Des meurt-de-faim tu es la maîtresse
/ De ceux qui n’ont pas de chemise
/ Les gueux qui vont sans souliers
/ Les sans-pain, les sans-lit
/ Ont tes caresses.

Mai leis autrei ti fan rotar,
/ Lei gròs cacans ’mbé sei familhas /
Leis enemics de la paurilha
/ Car ton nom tu, ò santa filha
/ Es Libertat/
Mais les autres te font roter
/ Les gros parvenus et leurs familles
/ Les ennemis des pauvres gens
/ Car ton nom, toi, ô sainte fille
/ Est Liberté.

Ò Libertat coma siás bela
/ Teis uelhs brilhan coma d’ulhauç
/ E croses, liures de tot mau,
/ Tei braç fòrts coma de destraus
/ Sus tei mamèlas.
Ô Liberté comme tu es belle
/ Tes yeux brillent comme des éclairs
/ Et tu croises, libres de tout mal,
/ Tes bras forts comme des haches /
Sur tes mamelles.

Mai puei, perfés diés de mòts raucs
/ Tu pus doça que leis estelas
/ E nos treboles ò ma bela
/ Quand baisam clinant lei parpèlas
/ Tei pès descauç.
Mais ensuite tu dis des mots rauques,
/ Toi plus douce que les étoiles
/ Et tu nous troubles, ô ma belle
/ Quand nous baisons, fermant les paupières,
/ Tes pieds nus.

Tu que siás poderosa e ruda
/ Tu que luses dins lei raions
/ Tu qu’as una vòtz de cleron /
Uei sòna sòna a plens parmons
/ L’ora es vengudaRetour ligne automatique.
Toi qui es puissante et rude
/ Toi qui brilles dans les rayons
 / Toi qui as une voix de clairon
/ Aujourd’hui appelle, appelle à pleins poumons
/ L’heure est venue.

Mais qu’en est-il de l’auteur de ce texte puissant ? Ce Clozel, dont les commentateurs de la chanson disaient ne rien savoir, vient d’être identifié par Philippe Martel. Il s’agit du poète et critique d’art (ami de Cézanne, aixois comme lui) Joachim Gasquet (1873-1921).
En 1892, Gasquet est, comme bien d’autres artistes et publicistes amoureux de la langue d’Oc, sensibilisé aux idées fédéralistes et quelque peu socialistes ou libertaires. Le souvenir de la Commune, quelque vingt ans à peine, est salué avec respect dans ces milieux, tout comme il vient de l’avoir été dans l’entourage du Général Boulanger…
Époque de confusions idéologiques, dont Gasquet se dégage à sa façon en faisant chanter sa Liberté par un déclassé marseillais, un pâle voyou : dans son titre, « Cançon de nervi », passe toute la distance sociologique et la délectation esthétique de la mise en scène, sincère sans doute. Comme celui à qui est dédiée la chanson, Pierre Bertas, (instituteur socialisant révoqué pour ses opinions, qui sera peu après adjoint du premier maire socialiste de Marseille), Gasquet, après avoir été dreyfusard, virera vite au nationalisme puis au royalisme, sous l’influence notamment de son ami Maurras, qui n’était pas indifférent à la protestation sociale d’un Gelu .
Claude Barsotti a des années durant publié dans le quotidien progressiste La Marseillaise une remarquable et novatrice présentation des auteurs populaires de langue d’Oc, les « Trobaïres » (troubaïré).
Claude a repéré dans La Sartan (La Poêle) [1891-1905], populaire hebdomadaire marseillais entièrement en langue d’Oc, ce texte signé J.Clozel (6 février 1892) que l’on a lu ci-dessus (restitué en graphie classique).
Le texte a été récemment mis en musique par Manu Théron, et chanté par le groupe marseillais Lo còr dau Lamparò (vidéo ci-dessus).

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