Comme souvent, je me suis plongé avec délice dans les vertigineuses Ficciones de Jorge Luis Borges, telles que me les proposent un petit livre acheté en Espagne en 1974 (l’édition argentine originale est de 1956). Une des clés de l’ouvrage est sans doute celle-ci :
« Ho conocido lo que ignoran los griegos : le incertidumbre » (« La loteria en Babilonia »).
Oui, comme le protagoniste de la nouvelle, il a connu ce qu’ignorent les Grecs, initiateurs de la claire vision des choses ; il a connu l’incertitude.
De quoi fonder une œuvre immense à la limite du réel et du fantastique, déconnectée de tout engagement politique et social.
Ce qui lui a permis, soit dit entre parenthèses, de soutenir ce qu’il y avait de plus conservateur dans sa patrie argentine, de condamner Peron, de couvrir les abominables crimes de la Junte au temps de la « guerre sale », de serrer avec plaisir la main du général Pinochet en 1976, au moment le plus fort de la répression de la DINA, sans oublier sa condamnation de Lincoln l’anti-esclavagiste comme criminel de guerre !
Ah l’Argentine…
Bref, il fallait bien que je tranche dans cette dichotomie. Ce que j’ai fait en jetant le livre à la poubelle. Après tout, Pepe Carvalho, le héros de Manuel Vásquez Montalbán, brûlait bien un livre par jour… Mais je n’ai pas de cheminée dans mon appart.
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