Il y a vingt ou trente mille ans, quelques milliers d’humains, quelques dizaines de milliers tout au plus, parcouraient les immenses régions habitables de la planète.
Et en cet an de grâce 2019 nous sommes 7,7 milliards à nous presser sur la vieille Terre-Mère des populations premières.
On le sait maintenant, le début de l’explosion démographique s’est produit lorsque les hommes sont passés du stade des chasseurs-cueilleurs à celui d’agriculteurs-éleveurs, s’assurant ainsi une augmentation et une sécurité des ressources qui ont entraîné une augmentation de la population, mais aussi, on l’a vu dans les articles précédents, l’apparition des chefs, des cités et des guerres incessantes.
Cf. : rub
Dans la mythologie grecque, c’est le titan Prométhée qui, en dérobant le feu pour le livrer aux hommes, leur avait enseigné les moyens d’accéder à cette vie nouvelle, et passer de la préhistoire à l’histoire. Cf. : [164]
Mais, par là, Prométhée avait déclenché le courroux de Zeus, furieux que désormais les hommes aient les moyens de s’égaler aux Dieux.
Il y a bien en Grèce quelques courageux plaisantins qui, pour tourner la loi rendant obligatoire la religion dans la déclaration d’identité, (histoire de regrouper les brebis dans le seul christianisme orthodoxe), se sont déclarés adeptes de la bonne vieille mythologie grecque, indubitablement autochtone.
Mais à part ces privilégiés qui sont dans le secret des anciens Dieux, nul ne sait si le courroux de Zeus est responsable de la catastrophe qui s’annonce.
En 1637, Descartes écrivait dans son Discours de la Méthode :
« Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ».
Les jeunes activistes à brassards verts qui suscitent et dirigent les manifestations de lycéens pour le climat (notre Président, entre un débat avec ses maires et une nuit de maraude SDF, n’a pas manqué de recevoir une initiatrice) seraient plutôt enclins à remplacer l’optimiste « comme maîtres et possesseurs de la nature » par l’indigné « comme maîtres et destructeurs de la nature ».
Il serait facile d’ironiser sur le fait que ces jeunes idéalistes jouissent, comme nous tous, de ces commodités qu’envisageait Descartes, et principalement aussi de la conservation de la santé, et qu’il n’est pas question de revenir au stade des chasseurs-cueilleurs (ce qui indisposerait sans doute nos Vegans, car les dits chasseurs étaient fondamentalement carnivores).
À vrai dire, (et je vais enfoncer quelques portes ouvertes), à moins de tomber dans le malthusianisme le plus abject, dans le darwinisme perverti, dans l’abominable eugénisme sélectif, ou dans la cynique apologie des guerres régulatrices démographiques, les milliards d’humains actuels ont comme droit fondamental de se nourrir, de vivre dignement et de se perpétuer. Et ce droit ne saurait être réservé à une caste de privilégiés enclos dans leurs Edens ultra protégés.
Alors, que faire ?
Chacun tirera les conclusions des récents sommets sur le climat ; dans la prise de conscience accélérée de la nécessité d’agir, on a vu se mêler des engagements sincères, des éco-socialismes tardifs et des ralliements parfaitement opportunistes. Mais qu’importe, l’essentiel est le chemin soit ouvert à un traitement du mal.
Mais comment ne pas voir que c’est le gouvernement du pays symbole du capitalisme qui s’y refuse, montrant ainsi, à sa façon, quel lien indissoluble unit voracité capitaliste et destruction de la planète. Voilà qui devrait convaincre même le plus fidèle adepte du système qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume capitaliste.
Voilà donc encore qui devrait nous encourager encore plus à ne pas dissocier la revendication écologiste de l’objectif, à terme, de la fin du capitalisme, non pas dans une catastrophe suicidaire mais dans une maîtrise de notre destin dorénavant indissociablement collectif.
Remarquons aussi que le capitalisme, que l’on a tant de fois proclamé au bord de la crise finale, s’en est chaque fois sorti à grands coups d’innovations technologiques. Ainsi, pensent certains, en ira-t-il d’un néo-capitalisme vert.
Affaire à suivre.