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À propos du roman noir (suite) - Louis Janover. Roman noir et feinte dissidence

dimanche 27 décembre 2020, par René Merle

Le point de vue de Louis Janover

J’ai déjà dit quelques mots sur le roman noir, à propos de l’ancêtre Hammett dont beaucoup se réclament sans trop l’avoir lu :
Hammett, La moisson rouge
J’y reviens à partir du face à face Manchette – Montalbán présenté sur le blog de la Brochure, que je signalais il y a peu :
À propos de roman noir. Manchette, Montalbán

J’évoquais à la fin du court commentaire que j’avais apporté le regard scrutateur de Louis Janover sur ce néo-polar social français.
En complément, je reprends ici le texte que j’avais écrit en son temps à ce sujet :
« Lucidement analysée en son temps par Jean-Patrick Manchette, la mode du néo-polar « à la française » s’essouffle, les rangs des « polareux » s’éclaircissent dans les grandes fêtes du Livre, et même les petits festivals « noirs » de province cèdent la place à d’autres engouements… Il est sans doute trop tôt pour faire le bilan, trier le bon grain de l’ivraie, voir aussi ce qui peut germer de novateur… Je me garderai bien de le faire, d’autant que j’ai été un petit peu mêlé à l’entreprise.
À ce propos, je vous conseille la lecture du pamphlet de Louis Janover, Voyage en feinte-dissidence, (Les pieds dans le plat, Paris Méditerranée, 1998). Critique impitoyable du concept d’avant-garde, Louis Janover, on le sait, dénonce, et sans exception, tous ceux qui à la gauche du P.S gestionnaire, ne font que décomposer l’esprit critique en ersatz de dissidence. Dissidence supposée qui n’est, en définitive, qu’une des béquilles du capitalisme à la française, sauce social-démocrate.
Je ne discuterai pas ici d’une attaque dont la thématique qui, pour lucide et réjouissante qu’elle soit souvent, (et pour injuste aussi ?), ne laisse aucune chance à l’avenir. Diagnostic : nous sommes embarqués et le Léviathan n’est pas près de tomber…
Mais je me fais un plaisir de proposer quelques extraits de la partie de l’ouvrage consacrée au roman noir (les citations proviennent des pages 145-148 (j’en omet les attaques ad hominem, particulièrement sur LE polareux marseillais à succès des années 1990).

Une des plaques tournantes de la feinte-dissidence culturelle, par où transite cette monnaie de singe pour être littérairement blanchie et trouver preneur, n’est autre que le roman noir. […] Dans un monde sous influence policière, le genre littéraire a suivi la montée en puissance de la nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle, et il a reflété son mode de pensée comme son intégration – sous le signe de la modernité et des standards de comportement made in U.S.A. Métro – Polar – Boulot. ! Les néo-soixante-huitards, qui sont passés par toutes les nuances du rouge au rose, circulent plus volontiers avec un polar dans leur poche-revolver qu’avec un Marx. Car même s’ils ne dédaignent pas s’y référer, pour la frime, sa violence critique fait vieux jeu et n’est décidément plus de leur monde ni à la mode. […] Tout est dans la tendance, en effet, pour ces travailleurs sociaux du milieu bien décidés à en découdre avec les injustices. Là où la police dépassée baisse les bras, ou prête la main aux opérations louches, le polar passe en force, le crime trépasse sous les coups des justiciers new-look, libertaires et antifascistes à la page, avec en perspective historique gros tirages et séries télé. […] Ce changement de décor ne modifie ni le sens de la pièce, ni la nature des acteurs. On a habillé le héros de façon plus moderne pour l’aider à se glisser partout. Le policier troque son uniforme contre le jean du socio-flic, incorruptible avocat d’une juste cause, celle des droits de l’homme en priorité, et au bout du compte tout rentre dans l’ordre et conforte la bonne conscience citoyenne. Le nouveau venu ou parvenu cite Bourdieu à la place de Sartre, fricote avec le PC relooké, jette ses tentacules dans toutes les eaux où l’on peut pomper du fric, mais « reste un libertaire. Un libertaire d’aujourd’hui, c’est-à-dire anti-Le Pen, Ras l’Front.
On peut lire la suite dans ce chapitre « Séries noires à la culture »…

Louis Janover a depuis poursuivi son entreprise de démystification, notamment avec deux ouvrages :
Thermidor mon amour : voyage en feinte-dissidence II, Les pieds dans le plat, Paris Méditerranée, 2000.
La Démocratie comme science-fiction de la politique, Sulliver, Arles, 2007.
Il y en a bien d’autres.

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